Le Mont Bego, 100 000 gravures pour comprendre les Hommes de l’âge du Bronze

Un site du IV e millénaire avant J.-C.

Lieu de passage naturel entre Alpes maritimes et vallée du Pô, la région du Mont Bego est bien connue
depuis longtemps par les communautés des vallées de la Roya ou de la Vésubie pour ses nombreux
lacs et ses alpages. En 1650, Pietro Gioffredo, citant Onorato Lorenso, prêtre de Belvédère, note
dans son ouvrage Storia delle Alpi marittime "Les susdits Lacs des Meraviglie se nomment ainsi,
étant rapporté que les visiteurs découvrent avec émerveillement et stupeur dans leur voisinage
diverses pierres de toutes couleurs, planes et luisantes, ornées de mille sujets d’invention…"

Valle delle Meraviglie : vallée des Merveilles, vallée des Prodiges ou vallée des Signes ?
Au cours du XIXe siècle, nombreux sont les voyageurs, les naturalistes, les hydrogéologues et les
archéologues qui copient et interprètent les gravures des Merveilles.
Figures gravées par des pâtres désœuvrés, traces du passage d’Hannibal, culte dédié à des
divinités païennes ?
En 1869, Matthew Moggridge, botaniste et géologue, compare certaines figures à des signes
hiéroglyphiques.
En 1879, Emile Rivière compare la forme des poignards gravés à des poignards réels découverts dans
des sites archéologiques et les date de l’âge du Bronze (III-IIe millénaire avant J.-C.).
Entre 1881 et 1918, Clarence Bicknell, botaniste anglais, parcourt la région et découvre plus de 12 000
gravures dans le val des Merveilles, le val de Fontanalba et la Valauretta, les vallées qui entourent le
mont Bego.
La région devient le site archéologique à gravures rupestres du Mont Bego.

En 1920, Piero Barocelli, Surintendant de l’archéologie pour la Ligurie, le Piémont et le Val d’Aoste,
ancien élève de Ernesto Schiaparelli, un célèbre égyptologue turinois, prend conscience de
l’immensité du site et de la multitude des roches gravées. Il pressent la nécessité de constituer un
corpus exhaustif des gravures du mont Bego afin de les déchiffrer. Dans ce but, il fait construire sur la
rive nord du lac Long un camp de base des missions archéologiques, le refuge Barocelli, qui sera plus
tard nommé « Refuge des savants », et il invite le sculpteur Carlo Conti à mener chaque été, entre
1928 et 1942, des campagnes de relevés des gravures dans la vallée des Merveilles.
Le corpus des gravures du Mont Bego devient un document graphique sur les IV e et III e
millénaires dans les Alpes du Sud.

Le Professeur Henry de Lumley fait visiter la vallée des Merveilles

En 1967, Henry de Lumley, chercheur au CNRS, reprend les recherches sur le site du Mont Bego.
Reprenant la cartographie de Carlo Conti, il organisera chaque été pendant 50 ans des campagnes de
relevés des roches gravées dans les 7 secteurs à gravures, qui couvrent 1500 hectares de vallées
montagnardes entre 2000 et 2700 mètres d’altitude. Ils ont livré 4200 roches gravées, et plus de 40
000 signes figuratifs dont l’étude se poursuit.

Le répertoire des signes graphiques élémentaires et l’inventaire des signes complexes mettent en
évidence un système graphique stéréotypé proche d’une écriture figurative. Grâce à cette écriture figurative, les graveurs du Mont Bego nous livrent l’essentiel de leurs préoccupations économiques (élevage, agriculture, calendrier agraire), l’avancée de leurs performances technologiques (métallurgie, irrigation, araire) et leur représentation du monde (religion, rites, divination, vœux).